Dead-end-street (fiction)

9.Jeudi

Always look at the bright side of life...

Je venait d'entrer dans la salle de classe, en retard, trempée, après avoir attendu des heures sous la pluie un bus qui finalement se révéla contenir la crème de la crème des imbéciles de cette saleté de ville, sans avoir pris le moindre petit déjeuner malgré la faim qui me tiraillait, le tout en aillant choisis au pif mes affaires ce matin, pour en plus supporter le regard moqueur de Nel, qui avait du partir plus tôt que prévu pour un rendez vous avec la directrice, et par donc avait été épargné par la pluie, j’étais totalement essoufflée par ma folle ascension dans les escaliers, je venait a peine d'entrer dans la salle, et déjà, le regard du prof m'annonçait que ma journée allait être pire encore.

Je ne savais pas a quel point j'avais alors raison...

Maths

- Et donc là, si tu divise AB par AC, tu te rend compte que tu obtient le même résultat que AD par AE. Par conséquent...

- BD est parallèle a CE.

- C'est ça !

Si un jour on m'avait qu'il me faudrait simuler des difficultés en maths.... et bien...

J'aurais tellement rit que j'en serais sûrement morte sur le coup, tient.

Je remerciai Kellen pour cette aide dont je n'avait pas eu besoins, et la regardai s'éloigner en réprimant un sourire.

Sourire qui fondit dés que mon regard se posa sur le cadenas a son poignet.

Kellen...

J'avais beau essayer de paraître aussi naturelle que possible, chacun de ses regards me semblaient laisser percevoir qu'elle savait.

Qu'elle savait que je savait.

La veille, pendant le repas, j'avais fait part aux autres de ce que j'avais remarqué pendant la journée.

Nel m'avait alors expliqué que Kellen, ainsi que pas mal d’élèves de ce collège, était membre de l'ANTI.

Ed, que Candisse et Meï avaient invité avec tout le reste du QG sud, a marmonné quelque chose comme quoi déjà de la part de l'organisation c'était louche, mais si en plus l'ANTI. s'y mettait.... Nel l 'a fait taire d'un regard.

Puis, Candisse a fait la réflexion qu'elle ne pouvait pas distinguer les membres de l'ANTI. des autres « normaux ».

Une fois de plus, être anormale ne m'avait pas suffit. Non. Il fallait que je sois anormale au milieu des anormaux.

L'idée que la première amie normale que j'ai put me faire depuis le basculement de ma vie, non contente de n’être pas le moins du monde normale, s’avérait en plus une potentielle ennemie, me faisait prendre peu a peu conscience des profonds changements qui étaient apparus dans ma vie ces derniers jours.

Et avec cette prise de conscience, tous les trucs indigestes qu'on m'avait forcée a avaler ces derniers jours me revenaient tout a coup sur l'estomac.

Ma famille me manquait. Ma petite Marie me manquait. Mon grand frère me manquait. Mon abrutis de petit frère, malgré tout ce qu'il nous avait infligé, me manquait. Ma maison me manquait. La capitale me manquait. Mon collège, oui, mon collège ! me manquait.

Kellen, la vrais Kellen, ma Kellen, me manquait.

Et celle qui se trouvait devant moi me terrifiait.

Une main glacée se posa sur mon bras. Nel me regardait, ses fins sourcils froncés en une mimique inquiète.

- Hey... Du calme. Tout vas bien. Même si c'est un peu dur a avaler pour le moment.

- Vous voulez sortir, peut être, mademoiselle ?

Avant que j'ai pu réagir, Nel répondit qu'il allait m'accompagner a l'infirmerie.

Et quelques minutes plus tard, il m'emmenait, non pas a l'infirmerie, mais en dehors du collège.

S'adossant a la grille, il sortit un paquet de cigarette de sa poche, et en alluma une.

- Tu fumes ? M'entendis-je demander.

Il secoua doucement la tête, comme pour souligner l'inutilité de cette question.

- Tu sais, c'est pas si grave que ça.

- De quoi ?

- L'ANTI. On te la présente comme les méchants tous puissants et tout, mais au fond, ils ne sont pas si différents de nous que ça. A peu prés autant que des équipes de baby foot. Non seulement, mise a part les couleurs, ce sont les mêmes des deux cotés, mais en plus, les méchants ne le sont que pour l'autre équipe, et vice versa.

- C'est quand même un peu plus sérieux qu'une partie de baby foot, nan ?

- Pas tant que ça, franchement. Je suis pas vraiment sensé te le dire tout de suite, mais ce soir je t’expliquerais deux trois trucs sur l'Opération et tout ça. Tu comprendras pourquoi je te dit qu'on est pas grand chose de plus que des figurines de plastique a courir après la même balle.

- Pourquoi pas maintenant ?

- Pas l'endroit ni le moment. Qu'est ce qui t'es arrivé, tout à l'heure ?

Je haussai les épaules.

- C'est Kellen, c'est ça ?

Son regard vert perçant me sondait du regard, et je réalisai que, bien qu'il ai pris les choses en mains, il était bien loin de comprendre ce qu'il m'était arrivé.

- Pas que, répondis-je. J'ai... je.. j'ai paniqué, c'est tout.

- Paniqué ?

- Oui... tu sais... l'Organisation, l'ANTI., les Potentiels... Tous ces trucs qui doivent sûrement s'écrire avec une majuscule... Les bons, les mauvais... J'ai l'impression que tout ça, au fond... Je sais pas, mais ça ressemble quand même a une saleté de série américaine, tu trouves pas ?

Nel ne répondis rien, un sourire amusé flottant sur ses lèvres.

- Et puis... Enfin, je sais, y a ma sœur, mais comme elle est sensée être partie depuis des années... mais ma famille me manque.

- Ta famille ?

- Ben oui. Mon père, la demie douzaine d’imbéciles qui me servent de frères... ma petite sœur Marie, qui rentre au collège l'année prochaine. J'aimerais savoir comment elle vas s 'en sortir dans cette espèce de jungle immonde. Je voudrait savoir si Christ vas finir par se réveiller, si Greg vas retourner avec sa copine, si papa apprendras un jour a cuisiner...Tu vois ?

- Hum... a vrais dire, pas vraiment. J'ai très peu de souvenirs d'avant, et le peu dont je me souvienne ne me fait pas franchement envie, alors...

Il écrasa sa cigarette avec son talon, et continua :

- Je veux pas faire mon parano comme Ed, mais... tu sais que tu est la première personne de l'Organisation que je connaisse a avoir une famille ou des attaches ?

- C'est vrais ?

Il hocha la tête.

- Je sais pas si c'est vraiment a moi de t'en parler, mais... jusqu'ici, toutes les recrues de l'Organisation avaient... quelque chose a fuir.

- A fuir ?

- Oui. Un passé un peu lourd, voir carrément flippant, une famille ingérable, des procès, des dettes... L’Organisation leur offre une nouvelle identité, une nouvelle apparence, un nouveau foyer... En échange de leurs services. C'est une espèce de deal, tu vois ?

- Un peu. Mais... et si ils refusent ?

- En général, les agents ne sont pas vraiment en position de refuser. Mais, je suppose que ça doit tout de même arriver... Et dans ces cas là... je sais pas. Je suppose que... enfin, ils ne peuvent pas décemment laisser quelqu'un parler de l'Organisation a tout le monde.

Malgré le sérieux du sujet, une image me vint a l’esprit, et je ne put m’empêcher de glousser. Nel me dévisagea bizarrement.

- T'as vu Men in black ? Demandai-je.

Il continua a me regarder un moment de travers, puis il comprit ou je voulait en venir, et éclata de rire.

- Oh toi !

J'allais mettre mes lunettes et sortir un phrase du genre « regardez tous la petite lumière »

Quand une mais se posa sur l'épaule de Nel, interrompant d'un coup nos fous rires respectifs.

- C'est comme ça que vous emmenez votre sœur a l'infirmerie, monsieur Smith ?

(Non, ce n'est pas une blague...)

Un surveillant se tenait derrière lui, avec une mimique mécontente.

Ouch.

Chez moi, les pions étaient bien plus sympas. Et nous appelaient par nos prénoms.

Nel se retourna, alors que je prenait un air contrit.

- Excusez moi. J'avais deux trois trucs a mettre au point avec Lily. Il s'est passé beaucoup de trucs ces derniers temps, avec le déménagement et tout... elle a du mal a digérer.

Le visage du surveillant se radoucit. Le coup des petits orphelins un peu paumés doit marcher a tous les coups.

- Bien. Mais il serait peut être temps de retourner en cours, maintenant.

- Bien sur. Nel me prit doucement la main, et m’entraîna vers les couloirs sous le regard attendris du pion.

Dés que nous fumes hors de vue, je retirait ma main de la sienne et le regardait.

Il se retourna et me dit :.

- Tu sais, on ferait mieux de nous grouiller. Ça marcheras pas deux fois.

- Lily ?!

Nel soupiras :

- Oui... quand sa sœur a un prénom imprononçable, on opte pour un diminutif, en général. Question de survie.

- Sauf que je suis pas ta sœur.

- Ah mais ça, il est pas sensé le savoir, ma Lily !

Agacée, je traversai le couloir, lui écrasant le pied au passage.

Nel rit doucement, et se matérialisa devant moi.

Je sursautai, lui arrachant un autre petit rire.

- Tu devrais pas jouer a ça avec moi, Lydwine... Je gagne a tous les coups.

J'allais répliquer, mais il frappa a la porte et entra dans la salle, sous le regard sévère du prof.

- Et bien, vous en avez mit, du temps ?

Désolé, monsieur. Nous avions deux trois choses a mettre au point.

Cour accéléré.

- Bon, alors en gros, pour ce que j'en sais, l’Opération fonctionne comme ça :

Il y a, en gros, chez une personne, un coté positif et un coté négatif. En temps normal, ces deux parties sont mixées en un seul corps. Ça fait un tout, ni tout noir ni tout blanc... bref. L'Opération consiste, ni plus ni moins, a séparer ces deux entités en deux corps distincts. J'ai pas plus de précision. De ce qu'on nous en dit, nous sommes la partie blanche, et l'ANTI. la partie noire. Mais de mon avis, ça pourrait tout aussi bien être l'inverse.

- Euh, attend un peu... c'est tordu, ce que tu me raconte, là. Donc, y aurait.. deux Lydwine ?

- T'as déjà remarqué qu'il y avait deux Kellen, nan ?

- Ouais, mais elle ressemble pas a ma sœur ! Même pas de loin !

- Mais tu ne ressemble pas non plus a la Lydwine d'origine... Et ton double non plus.

Je repoussait Nel, assis juste a coté de moi.

- Arrête ! Tu me fait flipper, là !

Il eut un petit rire:

- Si tu flippe pour ça, t'es pas sortie de l'auberge !

- Oh, c'est bon ! Avoue que c'est bizarre, quand même ! Et cette histoire de potentiel, alors ?

- Cap, aucune idée. Tu demanderas a Meï, c'est elle qui s'y connaît...

- T'as déjà rencontré ton double ?

- Non, mais d’après Stan, s't'un sacré abrutis. Je crois pas que j'ai envie de le rencontrer.

Il eut une silence, puis poursuivit :

- Chaque moitié prend les souvenirs qui lui correspondent. Keveen n'a quasiment aucun souvenir de son passé. Autant te dire que, s'il est vraiment la partie blanche de son ancien lui, j'ai pas envie de rencontrer son Double... Son jumeau pourrait en témoigner, si il daignait prononcer un mot.

- Il a un jumeau ?

- Ouais, tu l'as peut être croisé, c'est le même que son frère, mais avec une tête de plus et plus musclé. Alice m'assure que c'est un génie, mais c'est difficile de juger, puisque je ne l'ai jamais entendu prononcer le moindre mot en 3 ans.

- Alice ? Oh, et puis laisse tomber, je rencontrerais tout ce beau monde au retour, j'ai le temps...

Le temps ?!

Alerte (Contact -5)

Moins d'une heure plus tard, alors que nous étions en train de manger, la porte s'ouvrit sur Stan, suivi de près par... son sosie, version lunettes de soleil et boitillant.

Candisse se leva brusquement, pour sauter au cou de Stan, qui la repoussa sans ménagement. Meï se contenta de le saluer a bonne distance, et vu l'attitude qu'il avait eu a son égard la dernière fois que je l'avais vu lui parler, je ne pouvait que la comprendre. Misty le salua d'un léger mouvement de tête, auquel le garçon aux cheveux blancs répondit par le même léger mouvement de tête. Nel ne leva même pas les yeux. Quand a moi, et bien... je n'était pas encore bien sure de savoir dire lequel était le vrais.

Devant mon regard pas tees vif, la version sans lunettes de soleil de Stan eut un léger sourire - comprenez que le coin de sa bouche se souleva d'un millimètre, et fit les présentations.

- Lydwine, mon frère, Reï. Reï, Lydwine.

Je murmurai un timide salut, qu'il me rendit avec un sourire léger.

Juste de quoi me le rendre sympathique. Disons, plus que son frère, en tout cas.

J'avais déjà remarqué que les deux étaient jumeaux, en revanche il me fallut un peu plus de temps pour m'apercevoir que Reï était aveugle.

Candisse ajouta deux couverts, et invita les garçons a se joindre a nous. Alors que Stan se servait, son frère lança, avec une pointe d'acidité :

- Tien, t'as abandonné ton régime chelou ?

Le concerné ignora superbement la question, et après une minute de silence un poil gène, la conversation repris son cour comme si de rien n'était.

Je commençais meme a oublier, enfin, plutot a ignorer les chines colorées aux poignet de chacun, les etiquette sur leurs poitrine, bref, tus ces trucs qui avaient fait irremediablement basculer ma vie cette semaine.

Quand le portable de Misty sonna.